Bonjour à tous,
Roulant en 1098S depuis maintenant 5 ans, totalement conquis par les modèles 1X98, j'ai récemment complété le garage par la grande soeur, à savoir un 1098R.
Comme beaucoup d'entre vous, je me suis posé la question "sent on réellement la différence" ? Valent elles leur prix respectif ? Beaucoup d'articles sur le net, mais rien de transcendant. Entre les "ca arrache" et "ca pousse plus" d'anonymes aux essais pointus sur piste des journalistes ne concernant pas la majorité d'entre nous qui ne pistent pas des avec motos à plus de 25 000 euros, rien à se mettre réellement sous la dent.
Petit essai comparatif, je le souhaite, objectif entre ces 2 petits bijoux italiens.
Je ne me permettrais pas de faire un test typé journaliste, juste un retour d'expérience d'un motard après 5 ans d'utilisation avec ses bons moments et ses frayeurs.
Présentation des 2 pattes bolognaises
Cadre treillis, échappements sous la selle, embrayage à sec, monobras ... c'est bien une descendante de la 916. Certaines mauvaises langues diront que les 1X98 se sont "japanéisées" ... mouais ... Quand je vous la production japonaise depuis 8 ans, à savoir un CBR1000 massacré, un Gsxr qui n'a pas changé, des Yamaha et Kawa qui s'enlaidissent, on en est loin.
Quand on monte sur l'une ou l'autre, une certaine aura se dégage, l'impression d'être sur "quelque chose d'à part". La dernière fois que j'ai ressenti cette sensation, c'était une une MV Agusta F4 1000 Senna.
Revenons à nos 2 modèles. Concrètement, le commun des mortels dira "ce sont les mêmes, il n'y a que la couleur qui change" ou "pourquoi avoir pris 2 fois la même moto ? Autant prendre un truc différent". Pour cette deuxième question, je répondrai qu'elles ne sont pas si identiques que cela (on verra pourquoi après). De plus, rien dans la production actuelle ne me fait vraiment vibrer. Les 4 cylindres m'ennuient, la Panigale me laisse de marbre (test à venir), la KTM 1290R m'a plus ou moins déçu ... Et comme j'ai touché un 1098R à un prix défiant toute concurrence, je me suis lancé.
Pour la première question, un oeil averti verra rapidement la différence: Monoplace et amortisseur arrière haut de gamme pour le 10R, le tout avec un emploi massif de carbone. Je ne sais plus ce qu'elle comporte de série, je dirai juste que la mienne en est pourvu dans tous les sens (convoyeurs, cache latéraux, contour neimann, contour compteur, platine repose pied, garde boue arrière, et j'en passe ...). Mon 1098S se montre plus sobre à ce niveau (neimann, garde boue arrière et pare chaleur échappements).
Les 2 motos sont équipées de la ligne complète Termi 70mm, 1ère génération pour le 1098S, deuxième génération pour le R (pots biseautés). Les motos seront donc comparés à "préparation" égale.
Le 1098S est de 2008 et affiche 17500kms, bref totalement libéré. Elle revendique environ 170cv pour 13.2mkg de couple dans sa configuration actuelle (chiffres qu'on trouve en moyenne sur le net).
Son poids: 200kgs tous pleins faits (mesurés par mes soins chez un ami)
Le 1098R est de 2009 (avec sa boîte renforcée) et affiche 2800kms. Autant dire qu'elle doit encore se libérer (sur les deux 1098S que j'ai eus, j'ai clairement vu la différence passés les 6000kms). La puissance max doit tourner dans les 190-195cv pour un couple de 14mkg (chiffres qu'on trouve en moyenne sur le net).
Le poids est sans appel: 192kgs tous pleins faits ! (même balance que pour le S)
Les 2 sont dans un état plus qu'impeccable: quasi neuf pour le R (2800kms au compteur ...) ainsi que le S (grand soin pris au fil des années).
Tais toi et roule !
L'essai commence par le S. Cette moto, je commence à la connaître par coeur après 5 ans avec et je ne m'en lasse pas. Je reste bien loin de l'exploiter à fond, mais j'arrive à anticiper beaucoup de ses réactions.
La première chose qui surprend ... le son ! Couplé avec une ligne Termi, le son est juste jouissif. Le carter ouvert apporte une grosse dose de bruit mécanique. On aime ou on n'aime pas, mais ca ne laisse pas indifférent.
Rugueuse à froid mais chauffant très (trop vite), elle montre vite que la ville n'est pas pour elle. Ca cogne sous les 2500-3000tr/min en seconde mais ca reprend quand même. A partir du 3ème rapport, oubliez direct à ces régimes. Passée la barre des 3500, le gros couple est présent. Le moindre petit coup de gaz en 1ere ou 2nde enverra la roue avant embrasser le ciel. Gare à la qualité du revêtement, le 1098S ne présente aucune aide électronique ... une main droite un peu trop nerveuse sur un sol humide ou glissant entraînera directement une sanction de la roue arrière qui voudra passer devant la moto ...
Cette moto a besoin de grands espaces. Calé en 3eme, on essore la poignée. La moto bondit et se rue avec force dans le haut du compte tours. A 6000 tr/min, une deuxième louche de puissance surgit pour atteindre le rupteur à 10500tr/min de manière linéaire mais toujours avec force. A l'usage, on s'apercevra qu'un trou existe entre 4500 et 5500tr/min, en grande partie gommé par la ligne complète 70mm. Le "coup de pied au cul" (sans valoir ceux des 4 cylindres) vient plus du rattrapage du creux de couple (toutes proportions gardées, on parle d'un creux à plus de 10mkg de couple ...). Les possesseurs de 1198 n'auront pas se ressenti via une courbe de couple plus lisse, d'où le caractère reconnu plus "brutal" du 1098 face au 1198 qui reste plus performant.
Sur routes nationales, on se gave avec un couple qui nous propulse de virage en virage. Le châssis est excellent. La moto nécessite de l'engagement du pilote pour se mettre sur la trajectoire ... je suis bien loin de mon ex R6 de piste ! Par contre, une fois sur angle, ca passe sans broncher avec une remise des gaz qui se fait en toute confiance. Jamais une moto ne m'avait autant rassuré sur angle en arsouille ... mais c'est à double tranchant ... jamais une moto ne m'avait fait autant serrer les fesses en courbe sur routes mouillées à la remise des gaz. Le gros couple encore ...
De plus, en cas de trajectoire ratée, de TRES bons réflexes sont de rigueur. Le coup de frein sur angle mal dosé redresse immédiatement la moto et fait grimper votre tension de 5 points ...
Sur courbes serrées, soyons clairs, elle n'aime pas ca. Le changement d'angle rapide est difficile (à mon niveau) et je dois me battre (déhanchement permanent). En solo, ca passe ... en duo, ca devient délicat.
Les ronds points serrés sont compliqués (moto cognant sous les 3000tr/min en seconde, obligé de jouer de l'embrayage).
Je ne présenterai pas les freins, de nombreux essais en parlent, juste une tuerie. Mordant et puissance énormes, le freinage est excellent mais encore une fois, le mouillé complique la tâche ... Le frein arrière n'est qu'un léger ralentisseur.
"L' S moi de l'R"
Pour l'instant, cet essai s'est déroulé sur 500kms.
Démarrage ... et première surprise, le R ne chante pas la même mélodie que le S. Egalement pourvu d'un carter ouvert, les bruits mécaniques se font moins entendre au profit des gros coups de pistons du moteur. Le son est beaucoup plus typé moto de course ... dur à expliquer via des mots. Un petit coup de gaz au point mort confirme cet avis et annonce déjà la couleur: on sent qu'il y a moins d'inertie.
Au premier abord, le pilotage de la R se fait comme pour le S. Même jantes allégées, mêmes freins, même châssis, celui qui a ses habitudes sur les 1X98 retrouvera immédiatement ses marques.
Allons directement aux différences. Ce qui surprend le plus, c'est la réduction de poids. Non visible en roulage normal, on le sent immédiatement quand le rythme s'accélère. Les changements d'angle se font plus aisément que sur le S ce qui accélère immédiatement le rythme et les sensations. On n'est pas au niveau d'un 600cc 4 pattes, mais son agilité m'a fortement surprise vu les gênes de la moto.
Autre point qui diffère, la boite de vitesses avec certains rapports plus longs. Roulant souvent sur le couple en 6eme, j'ai été déçu des reprises du R. Avec 100cc de plus, 8kgs de moins et un moteur retravaillé (bielles titanes, etc ...), je m'attendais à mieux ... Quelques mesures viendront étayer ce constat. A vitesse identique, le R tourne moins vite que le S en 6eme. En reprise en 6eme à 110, le S passe devant. Par contre, le même test sur le 4eme rapport et c'est le R qui passe devant !
Et ce moteur dans tout cela ? A bas et mi régimes, rien de transcendant niveau sensations (je ne parle pas chiffres, mais ressenti). A hauts régimes, la différence se fait plus flagrante avec un gros boost vers 7000 tr/min. Le compte tours est alors aspiré vers la zone rouge.
Soyons clair, en revenant de ma première sortie avec le R, j'étais très mitigé. Le gain de poids est fortement appréciable et rend la moto encore plus jouissive à piloter. Mais en lisant la fiche technique: +100cc / + 20cv / +1,2mkg / - d'inertie, je m'attendais à mieux. Ok la moto n'est pas libérée, mais quand même ...
Ne restons pas sur un échec, je pars quelques jours après en balade avec un pote en KTM SuperDuke 1290R full (je ferai un compte rendu vu que j'ai roulé avec 50kms). Après plusieurs dizaines de kilomètres et les premiers prémices d'arsouille, la révélation: un R, ca ne se conduit pas comme un S !
Après 5 ans et mes habitudes prises sur le S, j'ai conduit la première fois le R de la même manière. Mais un moteur de course avec une boite différente nécessite un pilotage différent. En gros, je roulais sur le couple entre 3500 et 6000tr/min, misant sur les reprises. En arsouille, je passais les rapports "à l'oreille et au timing", j'entends par là que j'ai pris des automatismes sur le S qui font que je ne regarde même plus le compte tours pour passer les rapports. En y regardant de plus près, je passais mes rapports vers 7000-8000tr/min en arsouille et vers 4500tr/min en roulage normal.
Après une courte période d'adaptation, la moto change de visage. On oublie la 6eme qui est bien longue, on joue essentiellement sur le 3eme et 4eme rapport. Les montées en régime se font vraiment plus rapides, et la zone 7000-10000tr/min est ... comment dire ... inutile sur route ouverte. Mes repères de freinage sur ces routes que je connais très bien sont complètement faussés, les distances entre les virages sont raccourcies et cette furie à 8000tr/min font que je passe le rapport suivant car trop violente sur de petites nationales de campagne (la roue avant ne touchant plus réellement le sol).
Il s'agit bien là d'une moto de piste faite pour la piste et nécessitant une conduite adaptée pour en profiter.
Le traction control dans tout cela ? Trop intrusif en position 5 (de mémoire) lors de grosses accélérations en 2nde (coupure brutale comme un rupteur), je l'ai vite désactivé car je n'aime pas les motos "supervisées". Après avoir compris le mode d'emploi de la moto, j'ai toutefois vite compris son intérêt sur 2 situations:
- un coup de gaz modéré en première pour m'extraire de la circulation: là où ce coup de gaz aurait fait bondir le S en avant et sa roue avant vers le ciel, j'ai fait du surplace avec le R ... le pneu arrière a patiné (j'ai des Supercorsa Pro qui étaient bien chauds, comme sur le S ...)
- en pleine courbe rapide, bien large et à excellente visibilité, que je connais par coeur, j'ai remis sur angle les gaz comme sur le S ... la roue arrière a commencé à glisser et j'ai du couper. Il n'y a pas de doute, il y a plus de couple.
Bon, tu prends laquelle ?Bonne question ! D'un côté (1098S), une magnifique biplace (occasionnelle tout de même) tout à fait exploitable dès lors que l'on sort des agglomérations. Une partie cycle fantastique, des freins démentiels et un moteur jouissif entre 4000 et 7000tr/min. Bien entendu, ca pousse encore très fort au délà, mais il n'y a plus de surprise.
De l'autre (1098R), un monoplace tout aussi rigoureuse dont le moteur ne s'essoufle jamais, bien au contraire. Et c'est bien ça le problème ... Là où le S nous procurera beaucoup de sensations, le R provoquera également une certaine frustration, celle de passer à côté de quelque chose, les routes et notre volonté à garder notre permis nous empêchant de pousser cette moto qui ne demande que cela.
La réponse à cette question aurait été, je pense, différente si l'essai s'était déroulé sur piste. Car ne l'oublions pas, le 1098R est, à peu de chose près, la même moto qui tournait en SBK ! Une SBK avec des phares et des clignotants en somme.
Laquelle je garde ? Et bien ... les deux ! Le 1098S dans sa robe noire cadre rouge est toujours aussi magnifique à mes yeux, à la fois classe et sportive. Ses quelques aspects pratiques et sa plus grande "facilité" (façon de parler) face au R en font une moto que j'affectionne particulièrement. Le 1098R, bien que ses couleurs aient moins ma préférence, dégage une aura particulière et respire le SBK. Son moteur extraordinaire représente l'aboutissement d'une longue lignée de SBK et faire une virée avec vous remplit d'émotions et de beaucoup d'humilité ...