J'ai eu une envie soudaine de raconter ma moto, dans son intimité mécanique.
C'est pas une leçon de mécanique (je serais mal placée...), juste un petit délire littéraire, pour le plaisir d'écrire. Un petit voyage dans les entrailles de la bête.
Bonne lecture (merci à Pilouface pour la relecture..)

La moto, c'est quoi?
Un moteur à explosion, un cadre, deux roues? Définition trop sommaire. Petit voyage au coeur de l'action...
J'enfourche ma moto, jambes repliées, pieds posés sur les cale-pieds, dos penché vers l'avant, mains sur les bracelets.
La vitesse est contrôlée par mon poignet droit, qui par l'intermédiaire de ma main commande la rotation de la poignée des gaz. Lorsque je tourne cette dernière, le calculateur détermine le mélange air-essence adéquat puis l'injecteur vaporise le mélange dans le conduit d'admission. En tête de la culasse, un arbre à cames et des culbuteurs. Le mouvement de ces derniers provoque l'ouverture ou la fermetures des soupapes.
La soupape d'admission s'ouvre. Le mélange air-essence entre dans la chambre, le piston compresse le mélange, la bougie fait une étincelle, le mélange explose, le piston est repoussé au fond du cylindre, la soupape d'échappement s'ouvre, le piston revient évacuer les gaz et le cycle recommence. Admission, compression, explosion-détente, échappement. 4 temps. Il en va ainsi des 2 cylindres de ma moto.
A chaque mouvement du piston, la bielle s'anime et transforme le mouvement vertical en mouvement rotatif, le vilebrequin tourne, la cloche d'embrayage entraîne la noix via les disques serré par le plateau de pression, les engrenages de la boîte de vitesse passent la puissance au pignon de sortie de boîte, à la chaîne, puis à la couronne qui fait tourner la roue. La moto avance.
A mesure que je tourne la poignée des gaz, la vitesse croît et le régime moteur augmente. Vers 3500 tours/minute, j'entre dans la plage de puissance où le couple est plus important : chaque tour exprime sa quintessence, la moto tracte, je me sens tirée vers l'arrière, le moteur gronde, vibre et semble vouloir mordre. Vers 6500 tours, le couple est à son maximum. Au-delà, la tractation se fait moins violente, le moteur semble poussif. Alors, je change de rapport. Les doigts de ma main gauche se replient sur la commande d'embrayage et la tirent à fond, le plateau de pression est repoussé, la noix n'entraîne plus la cloche. Débrayage. Mon pied gauche souleve sèchement la pédale reliée à la boîte de vitesse, les pignons passent d'un engrenage à un autre. Ma main gauche relâche la poignée d'embrayage, les disques sont en contact, la puissance est de nouveau transmise à la roue. La vitesse n'a pas changé, mais le régime moteur est à présent plus bas. Je peux de nouveau jouir du couple tant que la route me permet d'accélerer.
Devant moi se profile un virage.
Je réduis les gaz. La fourche s'enfonce un peu, la suspension se détend.
La moto est en place sur la trajectoire que mes yeux ont déterminée. Je regarde vers la sortie du virage. Mon corps se déplace vers l'intérieur de la courbe. Le poids se déplace, la moto penche, la force centrifuge crée une portance suffisante pour nous retenir de tomber, la moto et moi. Je tourne de nouveau la poignée des gaz, l'aiguille du compte-tours se remet en mouvement, le moteur dans le "gras" du couple rugit et s'enflamme, la gomme des pneus mord l'asphalte, les gaz de la suspension sont comprimés. Le cadre, rigide, absorbe les changements d'inclinaison et d'assiette, la moto suit la courbe comme sur un rail, puis se redresse tandis que mon corps reprend sa place dans l'axe longitudinal.
Je dois m'arrêter.
Ma main droite relâche la poignée des gaz, je rétrograde, puis mes doigts attrapent la commande droite de frein. Du pied droit, j'exerce une légère pression sur la pédale de frein arrière afin de compenser préventivement le transfert des masses vers l'avant de la moto. Un léger ralentissement se fait sentir. Je serre la commande de frein. Le maitre-cylindre crée une pression transmise aux pistons des étriers. Les plaquettes mordent les disques. Le tube de la fourche inversée s'enfonce sur son piston. La vitesse chûte, mes bras se tendent et mes cuisses se resserrent pour lutter contre l'énergie cynétique dont je suis chargée.
Je débraye et je pose un pied à terre. Le moteur ronronne à 900 tours minute. Mon coeur bat à 100 coups minute. Je n'attends que de pouvoir redémarrer.