Extrait du magasine américain "Cycle world"Kevin Cameron est un journaliste américain très expérimenté qui entretient une chronique technique régulière pour Cycle World, répondant aux questions de ses lecteurs. Ancien technicien de l’équipe officielle Kawasaki à l’époque d’Yvon Duhamel, Gary Nixon, Art Baumann et Cliff Carr, il connait parfaitement son sujet.
La question que lui a posée un lecteur nommé George Grenley nous a semblé intéressante, de même que vous faire partager la réponse de Kevin. Question: A plusieurs reprises, vous avez mentionné le handicap qu’a Ducati en ce qui concerne le poids et le positionnement du moteur. Ce moteur est lourd à l'arrière, où se trouve le vilebrequin et la transmission. Alors pourquoi ne pas le retourner ? Le vilebrequin vers l'avant, un cylindre vers le haut, l'autre en arrière. Certes, pas facile à faire, mais Ducati a beaucoup de ressources.
Réponse : Au début des années 1990, un problème majeur de tenue de route était nommé « tassement et poussée ». Lors d'une accélération en sortie de virage, si l'arrière de la machine s’abaissait en raison du transfert de poids à l'accélération, l'avant devenait trop léger pour diriger et la moto « poussait » (ne tenait pas sa ligne et élargissait).
Öhlins étudia cela et écrivit une analyse mathématique qui fut distribuée aux équipes. Elle montrait comment utiliser deux autres forces du châssis pour s'opposer au tassement : (1) la roue arrière en tournant tend à allonger la suspension arrière; et (2) la tension de la chaîne ne s’exerçant pas en parallèle au plan médian du bras oscillant, elle engendre ainsi une force tangente, ce qui tend également à allonger la suspension arrière.
Avec cette connaissance, les équipes ont rapidement rendu ajustable l’axe de pivot du bras oscillant afin de pouvoir faire varier la force anti-tassement. Ducati, cependant, a continué à faire pivoter son bras oscillant sur un axe faisant partie intégrante de la boîte de vitesses, ce qui rendait le réglage de la position de pivot impossible. La suspension arrière à tendance rigide de la Ducati surmonte la force de tassement, mais il entraîne une perte plus rapide des propriétés des pneus. Ce problème a pénalisé Ducati en Superbike pendant des années.
Si, comme vous le suggérez, la boîte de vitesses était placée devant le vilebrequin pour une répartition plus avantageuse du poids vers l'avant, un système de chaîne devrait être mis en œuvre pour rétablir la relation pignon / pivot nécessaire. Cela pourrait très probablement être réalisé. La tendance dans la course, cependant, est de faire de petits changements progressifs qui sont facilement annulés s’ils ne parviennent pas à atteindre leur objectif.
Ducati, pour des raisons de marketing, utilise l'angle de cylindre typique (sa "signature") de 90 degrés, malgré son volume. Parfois, les entreprises doivent faire des choix. Quand Yamaha a engagé Valentino Rossi, Masao Furusawa lui a donné quatre motos prototypes à tester : deux avec des vilebrequins calés à 90 degrés et deux avec des vilebrequins à 180 degrés, chaque paire étant proposée avec la culasse « signature » Genesis à cinq soupapes et l'autre conventionnelle avec quatre soupapes. Rossi a été plus rapide avec (et a préféré) le moteur à quatre soupapes avec un vilebrequin à 90 degrés. Le résultat ? Titres MotoGP pour Rossi et Yamaha en 2004, 2005, 2008, et 2009.
Alors bonne ou mauvaise idée ????
Source de l'article :
http://www.cycleworld.com/2014/11/14/ask-kevin-cameron-would-it-make-sense-for-ducati-to-turn-its-engine-around/