Petite démonstration réalisée par un prof. de physique (et motard) :
Le monobras est effectivement moins performant sur le strict plan mécanique. Un simple schéma tel que ci-dessous met en évidence que, pour une même sollicitation mécanique transmise par le bras oscillant, le monobras aura fort à faire (en pointillé, les allures des déformées respectives de chaque type de bras.

- chaque branche du bras classique (double branche) transmet un moment fléchissant Mf (maximal à l'ancrage sur le cadre (ou le moteur), et un effort normal de compression (dû à la force motrice) N1.
- l'unique branche du monobras transmet un moment fléchissant Mf1 (= 2 x Mf) et un moment de torsion Mt , en plus d'un effort normal de compression N2 (= 2x N1). De plus, l'axe de roue transmet un moment fléchissant Mf2.
Chaque architecture étant soumise à un même chargement, on peut déterminer les contraintes mécaniques au point A si l'on connaît les dimensions des sections qui constituent les bras, aux points A respectifs de chaque structure.
Rque : mon raisonnement est simplifié, je ne considère notamment pas l'action de la suspension (qui complique les choses mais ne change rien au final : le monobras sera terrassé).
Pour la démonstration, je vais considérer (au départ) que chacune des branches (AB et CD pour le bras classique, AB pour le monobras) est constituée d'un même tube de section circulaire pleine de diamètre D ( c'est pour simplifier, mais les résultats sont absolument transposables à des sections annulaires, rectangulaires pleines ou creuses, etc.). Chaque tube sera constitué d'un même matériau (mettons de l'acier, mais tout matériau élastique et isotrope ferait l'affaire) dont les caractéristiques mécaniques utiles seront :
- le module de Young E, (module d'élasticité, souvent exprimé en gigapascals GPa, = environ 210 GPa pour de l'acier)
- le coefficient de Poisson n (sans unité, = environ 0,3 pour de l'acier)
- la masse volumique mv (en kg/m3, = environ 7800 kg/m3 pour de l'acier)
Peu importent les valeurs réelles des contraintes que je vais calculer, seuls comptent les faits suivants : pour une pièce constituée du même matériau, la rupture (ou la déformation plastique) interviendra pour un même état de contrainte. L'état de contrainte d'une pièce, en un point de sa section, ne dépend que de l'effort qu'elle transmet et de ses dimensions.
Mon but est de montrer qu'à chargement égal, au niveau de la roue :
- soit le monobras doit être plus lourd pour être aussi rigide,
- soit le monobras est moins rigide à masse égale.
Dans un premier temps, je ne tiendrai compte que des contraintes dites normales (dues aux moments de flexion et à la compression).


Si l'on s'en tient aux sollicitations immédiatement "perceptibles" flexion et compression, il suffit d'une seule branche pour faire le travail de deux, à la condition que la branche unique soit de dimensions compatibles avec cette double sollicitation. La résistance à la flexion étant liée au diamètre au cube, la résistance à la compression étant liée au carré du diamètre, on ne peut pas calculer l'inflation nécessaire de la section si on ne connaît pas le rapport précis entre l'effort de compression N (lié à la force motrice) et le moment fléchissant (lié à la longueur du bras et à l'effort normal du contact roue/sol qui dépend de la masse, de sa répartition initiale et de la valeur de l'accélération instantanée - mais la théorie des poutres que j'utilise ici n'est théoriquement valide que dans les cas statiques).
A ce stade, imaginons que les dimensions du monobras croissent d'un facteur (racine de 2) pour obtenir un état de contrainte équivalente (donc une résistance équivalente à matériau donné). Alors la section voit son aire augmenter d'un rapport 2. La masse linéique est donc doublée.
A ce stade toujours, on pourrait conclure qu'une branche unique qui a la même masse que deux branches dédoublées offre les mêmes performances mécaniques.
OUI MAIS NON. Car je n'ai pas encore comptabilisé les effets des moments de torsion. L'ajout de la sollicitation de torsion conduit à l'expression d'une contrainte de cisaillement, maximale au même point. Or le monobras est soumis à un moment de torsion, important, au point A. L'honnêteté intellectuelle me force à préciser que quelques moments de torsion seront bien créés, en pratique, dans le bras classique (pour cause de dissymétries diverses, par manque de rigidité de l'axe de roue, etc.), mais resteront toujours incomparablement plus faibles.
Or l'influence des contraintes de cisaillement sera nécessairement néfaste aux performances mécaniques de la structure. Si vous avez fait un peu de résistance des matériaux lors de vos études, vous connaissez peut-être quelques méthodes pour établir les états de contrainte dans le cas de sollicitations composées (cercles de Mohr ?). Sinon, il faut juste retenir que la méthode généralement la plus appropriée est une méthode appelée critère de Von Mises, qui fait calculer une "contrainte équivalente" à laquelle chaque contrainte contribuera.
La contrainte de cisaillement, due à la torsion, directement associée au monobras, fera ainsi augmenter l'état de contrainte au point déjà le plus sollicité. Pour compenser cela, il faudra rajouter de la matière ou changer le matériau pour un plus résistante, etc.
MAIS CE N'EST PAS TOUT ! Il reste la question du flambage. Le fait que l'effort normal, dû à la force motrice, ne soit pas appliqué (dans le cas du monobras) au niveau de la branche unique mais avec un décalage latéral, produit une forme de flambage, qui en l'occurrence serait plutôt une autre forme de flexion (Mf3), dans un plan perpendiculaire à la première flexion (Mf1). De toute façon, la combinaison compression + flexion n'a jamais fait bon ménage... A mon avis, c'est même là que se situe le problème majeur. Un problème encore plus crucial une fois que l'on passe en dynamique (mais il nous faudrait quelques mois de formation, au minimum pour en discuter sérieusement : c'est aujourd'hui traité de façon numérique, le plus souvent).
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Fin de la démo
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En résumé, c'est la torsion, inévitable dans le cas du monobras, qui, ajoutée au problème de flambage, interdit absolument d'espérer, à moyens égaux, de fabriquer un monobras aussi performant qu'un bras classique. Il y aura toujours quelqu'un pour raconter qu'avec une solide étude numérique, l'utilisation de matériaux encore plus nobles et de formes novatrices, il aura fabriqué le monobras aussi performant qu'un bras classique, mais il suffira de lui opposer qu'avec les mêmes moyens, on fabriquera un bras classique encore plus performant, et ainsi de suite.
Autres inconvénients inhérents au monobras :
la réalisation de roues elles aussi modifiées pour transmettre des efforts supplémentaires par rapport au cas du bras classique. Pour les mêmes raisons et sans entrer dans le détail, elles seront plus lourdes,
l'intégration de nombreuses fonctions qui conduit à surdimensionner les parties assurant les interfaces avec le cadre (passage de la chaîne) et avec la roue (couronne et disque de frein du même côté),
enfin, toutes ces contraintes mécaniques supplémentaires jouent leur rôle en terme de fatigue, c'est une sorte de cercle vicieux.
De toute façon, il me semble bien que le monobras a initialement été utilisé en course uniquement pour l'endurance. Pour ce que j'en sais, Honda l'a ensuite repris sur ses machines de route (et BM, avec beaucoup d'intelligence, car cette solution se marie très bien avec la transmission par arbre). Que Ducati ait équipé sa sublime 916 de cet accessoire n'est-il pas qu'un coup de frime ? Est-ce un hasard de l'avoir retrouvé ensuite sur la MV F4 (entre autres caractéristiques "stylistiques" communes bien compréhensibles...) ?
Et puis il y a l'argument de la réalité pratique : quelle MotoGP utilise un monobras ? Pourquoi les japonais n'ont-ils jamais cédé au monobras sur leurs hypersport (NR 750 exceptée, mais le propos de cette machine n'a jamais été le sport, soyons raisonnables (tiens, encore une moto avec des pots sous la selle...) 916, 999, 1098, MV F4, NR 750, qu'avaient-ils tous à vouloir coller les pots sous la selle sur des 4T ? Voilà une autre sorte d'aberration du point de vue des performances mécaniques... Prochain sujet de conversation ?