Il y a toujours une foule de raisons avec lesquelles on peut trouver des excuses...
les choses urgentes à faire,les responsabilités parentales, le travail (non, je déconne là) , les autres loisirs (quand on habite au bord de la Méditerranée et qu'on s'adonne au Kayak et à la chasse sous-marine
)
Toujours est-il qu'elle s'ennuyait dans le garage depuis l'automne dernier, sous ses draps de protection et sur sa béquille d'atelier. Jusqu'à présent , son assurance ne me permettait de rouler avec elle que six mois par ans , de mai à novembre. Cet hiver , mon assureur habituel m'avait fait une proposition équivalente d'un point de vue tarifaire, mais avec roulage toute l'année. Elle pouvait donc circuler à partir de fin janvier , la bougresse....
Et moi, je l'ai laissé tout le printemps dans le noir, avec ses disques d'embrayages démontés (que celui qui en a plusieurs dans son garage sans qu'une au moins soit désossée pour réparation ou modification me jette la première pierre...) , ses carénages posés contre le mur, à juste la démarrer et la faire tourner à intervalles (pas trop) réguliers, à lui voler sa batterie pour la stocker au chaud dans la maison et la recharger régulièrement.
Pire que ça , je la snobais avec une grande Autrichienne bigarrée...
Certes, la monogamie absolue n'avait jamais été envisagée dans nos relations, mais l'alternance régulière avec ses copines n'était plus de mise.
J'allais bien de temps en temps soulever ses jupes pour la contempler dormir dans le garage, et même, lors de rencontres avec les membres d'un forum dédié aux mobylettes Italiennes, je regardais avec concupiscence ses sœurs jumelles... Bref , l'attraction physique qui nous liait était toujours bien présente, il fallait juste une petite étincelle...
Hier matin, elle était propre, remontée, m'attendant dans le jardin pour nos retrouvailles. Pour la magie de l'instant, les DB-killers étaient restés dans leur boite.
On enfourche la diva, direction une station où je puisse refaire la pression et remettre de la benzine.
Bon , la finesse de l'engin, je m'en souvenais bien, mais pas les genoux (choux, hiboux, cailloux, joujoux, poux) à hauteur des mâchoires. Heureusement que la forme du réservoir est parfaite , mais les tendons et muscles des articulations inférieures sont quand même sollicités...
Les bras bien en appui , je retrouve avec plaisir les poignées mousse que j'ai montées. Un petit détail qui filtre bien les irrégularités de la route, et rend l'engin confortable comme un VN900.
Arrêt à la station service, gonfleur en panne. Bon,et bien on continue jusqu'à la prochaine . Les premiers virages dans la vallée du Gapeau me rodent quelque peu. Effectivement, il faut y aller franco avec le haut du corps pour la faire virer, la belle, et anticiper sérieusement les virages. Mais ce ronronnement de tigre dans les oreilles, ce coté moteur de bombardier de la seconde guerre mondiale, c'est en le redécouvrant que je me rend compte à quel point il m'a manqué.
Arrêt café pour récupérer le collègue Rémy (c'est pas que j'aime rouler avec lui, mais quand je refais tourner cette bécane après un long arrêt, la crainte de la panne aléatoire me pousse à me faire accompagner systématiquement, et je lui fais porter tout l'outillage dans son sac à dos...), je remonte sur la titine, tiens, mes jambes commencent à s'habituer à la position jockey , il y a du progrès. Toujours des trajectoires plus qu'approximatives en allant sur Mazaugues et St-Maximin, mais la rédemption est proche. Enfin une station avec gonfleur en état de marche !
Alors, dans un grand soucis de partage communautaire, je fournis une information d'importance aux membres du forum, consciencieusement testé et vérifiée par mes soins :1,5 bar à l'avant et 1,4 à l'arrière dans les Pilot Power, c'est pas la bonne pression. Ça repousse le pilote que tu es tout au fond de toi même et te transforme en participant du bal des débutants dans le Morvan .
A partir de là, plus que du bonheur avec la bonne pression dans les pneus et la vivacité retrouvée.
La portion St-maximin, St-Zacharie est pédagogiquement géniale. Des grandes portions rapides pour commencer , puis une jolie enfilade de virages dans un vallon en arrivant sur St-Zacharie.
Ce bloc de rigidité qu'on envoie de droite et de gauche de plus en plus vite, exactement ou l'on veut en jouant avec délicatesse de la boite... C'est d'une sensualité sans limite. Qu'on ne se méprenne pas, je ne suis pas doué pour le pilotage, j'arrive juste à rouler à une vitesse raisonnable en essayant d'enrouler, mais même à mon faible niveau, cette bécane sait faire rêver et donner un plaisir hors norme.
Remontée sur le versant nord de la Ste Baume, par un petit chemin à chèvre dégueulasse où j'arrive quand même à m'amuser malgré l'étroitesse de la route et le revêtement médiocre. Sur le plateau, gaz en grand , histoire de connaître des sensations et des vitesses qui n'atteignent même pas les références « TL 1000-esques » de notre Biloo , mais c'est bien bon quand même, ce grondement sourd qui si on ne fait pas attention apporte la frustration et le traumatisme du rupteur à 11500...
Petite ballade de remise en bouche , quoi, histoire de ré acclimater l'homme à la machine, de reformer le couple. La prochaine sortie sera encore plus terrible....
Je le dis, cette bécane c'est un fantasme, à regarder et à vivre, et pour lequel il sera beaucoup pardonné à Ducati pour ses modèles actuels. Et en plus , c'est grâce à elle que je vous fréquente, une chose de plus à son actif.