On parle souvent ici de silencieux, de collecteur gros diamètre ou tangentiel (spaghetti), de boite à air ouverte, de cornets courts, etc... mais à quoi ça sert ?
Comme je me suis fardé (non seulement d'une formation sur le sujet récemment

) mais aussi d'un petit exposé sur un forum voisin (
où on n'y cause pas que de Ducat ; mais non, ce n'est pas sale), je me dis qu'en faire profiter ici pourra peut-être en intéresser 2 ou trois...
Si c'est le cas (sinon, arrêtez la lecture là, j'annonce de suite : pavé inside !

), vous pouvez peut-être lire la suite.
Le but d'un moteur, si on le regarde coté perfo. c'est évidemment d'avaler le plus d'air possible pour développer le plus de puissance possible. Et pouvant rarement augmenter la cylindrée comme on le veut, l'idée est bien d'augmenter la quantité d'air qu'on peut mettre dans un volume donnée (la cylindrée), en jouant en sur le remplissage (capacité d'air réellement admise / cylindrée).
Bien évidemment, on connait tous la suralimentation (turbo, compresseur) permettant d'admettre l'air sous pression, gavant ainsi artificiellement le moteur... mais c'est une architecture lourde et chère, et il existe d'autres méthodes pour améliorer le rendement d'un moteur atmo : l'acoustique moteur.
Qu'est-ce que c'est que l'acoustique d'un moteur ?Il y a en gros 2 effets ;
- l'effet Kadenacy qu'on peut assimiler à un effet d'inertie d'une colonne de gaz en mouvement,
- les effets purement acoustiques de résonance d'onde de pression d'un système pulsé.
1/ l'effet Kadenacy :La masse de gaz en mouvement que constitue la colonne d'air entrant dans l'admission a une certaine vitesse, donc une certaine inertie. Ce n'est donc pas parce que (en phase d'admission) le piston arrête au point mort bas avant de remonter, que l'air s’arrête instantanément d'entrer dans le cylindre ; pensez à votre robinet d'eau de la salle de bain. Quand vous l'ouvrez en grand et que vous le fermez alors brutalement, cela crée un gros "clong" : c'est en fait la colonne d'eau en mouvement qui entrainée par sa propre vitesse "pousse" sur le robinet et génère dessus une pression du fait que vous l'ayez coupé dans son élan.
Avec de l'air c'est pareil surtout dans une admission où on approche les 100m/s...
Donc, sous sa propre inertie (sa vitesse), l'air continue à entrer malgré la remontée du piston, raison pour laquelle d'ailleurs on retarde la fermeture de la soupapes d'admission (RFA = retard fermeture admission) par rapport au point mort bas.
Cet effet d'inertie est assimilable par calcul au comportement d'un système masse ressort (l'air entre, se comprime dans le cylindre de par sa vitesse, puis "rebondit" et ressort si la soupape reste ouverte) et possède une fréquence de résonance propre (autrement dit, un régime moteur optimum) proportionnelle à la racine carré de S/(L*V) (où S est la section de passage des gaz, L la longueur de la pipe d'admission, V le volume ou dans le cas d'1 cylindre, la cylindrée unitaire) qu'il convient d'accorder avec la fermeture de soupape.

On a donc un régime moteur d'accord favorisant cette inertie de la colonne d'air proportionnel à la
racine carré de S/(L*V).

En jouant sur la longueur L de la pipe d'admission, ou le moment où on va fermer la soupape pour profiter au mieux de cette inertie de la colonne de gaz (en modulant le RFA avec un VVT), ou bien encore en modulant sur la section (S), passant d'un système 1 soupapes par cylindre à 2 soupapes (principe du VTECH Honda),... on accorde cet effet Kadenacy au régime moteur souhaité, augmentant ainsi le remplissage.
On comprend bien qu'en élargissant les pipes d'admission ou en raccourcissant, on va favoriser un régime d’accord acoustique plus haut dans les tours que ça n'était prévu initialement d'origine.
2/ les résonances 1/4 et 1/2 d'ondeLe principe de base est en effet qu'à tout phénomène pulsé (
un moteur en est un, puisqu'il admet / échappe par phase et non en continu) s'associe des résonances d'onde de pression (associées à leurs acolytes ondes de dépression) avec lesquelles on "joue" pour optimiser le remplissage moteur coté admission ou la bonne "purge" des gaz brûlés coté échappement.
Ainsi, quand une soupape d'admission s'ouvre, le piston descendant, on crée un onde de dépression ; cette onde se propage à la vitesse du son et remonte la ligne d'admission, et, dès qu'elle rencontre un obstacle, est réfléchie en sens opposé en onde de pression qui revient donc vers la soupape.
Cet obstacle, c'est toute augmentation ou restriction de section rencontré dans la ligne d'admission, c'est à dire le bout de la pipe d'admission débouchant dans la boite à air (le fameux cornet) ou le filtre à air.
Pour revenir à nos ondes, le remplissage en air du moteur est augmenté si on fait en sorte que l'onde de pression (générée en retour de l'onde de dépression crée à l'ouverture de la soupape d'admission) revienne à la soupape d'admission quand celle-ci est pleinement ouverte, entre le PMH admission et le retard fermeture des soupapes (RFA), soit avec un retard d'environ 90°vilo par rapport au début d'ouverture de la soupape.
Temps de propagation de l'onde pour faire un aller-retour soupape - cornet : Tpropa(s) = 2 * L(m) / C(m/s) ou L est la longueur du conduit d'admission entre la soupape et l'obstacle qui va réfléchir l'onde, C la vitesse du son
Temps pour que le moteur fasse 90° : T90°(s)=1/4*60/régime(tr/min)
On en tire donc (en faisant en sorte que ces 2 valeurs soient égales) un temps, ou un régime optimum qui va favoriser cet accord acoustique 1/4 d'onde :
régime(tr/min)=30*C/(4*L)
Le régime moteur qui va favoriser les accords acoustiques est donc inversement proportionnel à la longueur, ce qui explique que pour favoriser les bas régimes, il faut des pipes d'admission longues, et des courtes pour les hauts régimes.
Ça c'est pour le cas simple où on s'intéresse à un cylindre... mais bien entendu, toute onde générée ne se contente pas seulement de faire demi-tour au 1er obstacle.
Ainsi, une onde de dépression générée à l'ouverture d'une soupape d'admission va (certes au "rebond" à l'entrée des cornets revenir réfléchie en une onde de pression sur la même soupapes), mais va aussi :
- se propager en amont dans l'admission et revenir par rebond sur le filtre à air (à nouveau une résonance 1/4 d'onde mais sur la longueur soupape-filtre à air cette fois)
- se propager en tant que telle (onde de dépression) jusqu'à la pipe d'admission du/des cylindre(s) d'à coté : si cette dépression arrive à la soupape d'admission du cylindre suivant juste au moment où celle-ci s'ouvre, on va donc "aspirer" plus facilement de l'air dans le cylindre suivant (résonance 1/2 onde puisqu'on vise cette fois à avoir une onde de dépression et non plus de pression au nez de la soupape concernée).
Et à l'échappement alors ?D'abords, il faut savoir que les accords échappement ont nettement moins d'influence que ceux à l'admission... celà dit, on peut raisonner à l'échappement de la même façon qu'à l'admission (
sauf pour l'effet Kadenacy qui n'a évidemment pas lieu d'exister), en prenant en compte non plus les longueurs de pipe d'admission, mais par ex. la distance soupapes d'échappement - pot de détente ou soupapes d'échappement - catalyseur, ou encore soupape - sortie du silencieux à l'air libre,...
De la même façon, il faut prendre en compte les accords inter-cylindre :
Par exemple, sur un 4 cylindres : le problème du 4 en ligne coté échappement est qu'il est naturellement désaccordé ; en effet au début d'ouverture d'échappement d'un cylindre (pas exemple le n°1 ci-dessous) correspond aussi la fin d'ouverture du précédent cylindre (le n°2) :
... or il y a aussi du croisement de soupape (non dessiné ci-dessus) ; c'est à dire que le cylindre A a en même temps ses soupapes d'admission ET d'échappement ouverte (pendant la durée AOE - RFE)
Le hic, c'est que l'ouverture du B crée alors une bouffée de surpression à l'échappement, et le cylindre A tend alors à ravaler ses propres gaz d'échappement (plutôt que de faire du balayage) à cause de cette pression.
Il convient donc "d'isoler" quelque peu chaque cylindre par rapport à son successeur (temporel) dans le cycle pour éviter celà. On utilise donc des 4 en 1 longs (tubes entre soupapes et convergence des 4 collecteurs longs) ou un 3Y.

On limite ainsi les interaction inter-cylindres pénalisantes et on optimise l'accord acoustique 1/4 d'onde soupape - silencieux.
Cet accord 1/4 d'onde soupape - silencieux favorise plutôt les bas régimes (longueurs importantes) et si on veut pleinement bénéficier du balayage, le mieux est d'avoir un calage de distribution variable (VVT) pour justement faire varier la durée de croisement en fonction du régime.
Est-ce que ça marche ?Certains auront noté que dans le dimensionnement, entre la vitesse du son (notée C), or celle-ci dépend de la température des gaz dans laquelle l'onde se déplace (
C=sqrt(γ*Rs*T) où γ (gamma) est le coefficient adiabatique, Rs constante spécifique du gaz parfait et T la température en °kelvins). Du coup si ta température admission se décale, le régime d'accord se décale lui aussi (
pire, dans l'échappement, la température varie beaucoup plus et même le γ qui est dépendant de la constitution des gaz +/- riches et bien brûlés).
Après, il faut aussi voir que si on a un régime moteur qui favorise un effet acoustique, il y a très probablement aussi un autre régime moteur auquel le même effet acoustique est lui pénalisant... de fait, tout est histoire de compromis (qui a forcément du bon ET du mauvais), mais aussi de typage moteur choisi (plutôt coupleux en bas, pointu dans les tours, rond avec une courbe plate, etc...).
Par ailleurs, l'encombrement est clairement un problème (notamment en bagnole à cause de la place sous capot, du choc piéton, etc...), notamment si on comprend que pour optimiser tous les régimes, il faut des pipes courtes, mais aussi longues, donc en gros des systèmes à longueur variables.
Un autre problème peut être qu'en voulant favoriser les bas régimes, on allonge les conduits d'admission... ce qui a aussi pour effet d'augmenter les pertes de charge, et donc de fortement dégrader les performances à haut régime.
Cela dit, les gains sont là, et tous les moteurs sont (plus ou moins bien) accordés acoustiquement compte-tenu des contraintes (couts, encombrement,...), à tel point qu'on parle même de "suralimentation naturelle", à savoir un taux de remplissage qui peut dépasser 1 (
autrement dit, un moteur d'1L de cylindrée avale plus d'1L d'air à chaque tour) sur certains moteurs et à certains régime (par. ex. une Honda S2000 atteint 1.15 de remplissage maxi d'où son exceptionnelle puissance de 120cv/L en atmo pour un moteur de 2.0L de cylindrée !).